• Photos E. Médous.
    Photos E. Médous.

Le camping, c'est toute leur vie

Mis à jour le mardi 21 février 2017 par Toulouscope

Inquiétés récemment par la loi Léonard, les résidents à l’année nous ont ouvert les portes de leurs mobil-homes, au camping du Rupé. Si, pour d’autres, ce mode de vie est un choix par défaut, Andrée, Jacques et les autres n’en changeraient pour rien au monde.

" Tout le monde croit qu’on vit comme des clochards ! Venez voir, j’ai tout ce dont j’ai besoin! " Le misérabilisme, très peu pour Marguerite. Voilà quinze ans qu’elle a élu domicile au camping du Rupé, et elle n’en partira que les pieds devant. Dans son salon, aux murs de lambris, un large écran plat est branché sur un jeu télévisé. Quelques chats vont et viennent, tandis qu’au fond du couloir, un poêle à granulés fait danser des flammes. " Les gens s’imaginent aussi qu’on a du mal à se chauffer. Même si on me donnait un appartement gratuit, je n’irais pas ! " Le ton est donné. Cette dame de 69 ans se rappelle très bien les circonstances qui l’ont amenée à poser ses valises sur ce terrain municipal, à deux pas du lac de Sesquières. Les petits boulots à la chaîne, et le plus souvent payés au noir, depuis l’âge de 14 ans, les loyers de plus en plus exorbitants, ses vacances au bord de la mer… Un beau jour, le camping a remplacé l’appartement. " Qu’est-ce que vous voulez faire avec une retraite de 700 euros ? Un studio coûte 600 euros..." Les regrets, Marguerite n’en a aucun. " Il y a une vraie vie de famille, ça m’a plu de suite. Et l’été, c’est les grandes vacances. On laisse les fenêtres ouvertes, on se sent en sécurit酠"

Inquiétés, ces dernières semaines, par la proposition de loi Léonard, qui envisageait de limiter ce type de séjours à trois mois maximum, les résidents de camping à l’année se sont retrouvés sous les feux de l’actualité. Et avec eux, le camping du Rupé, l’un des rares à rester ouvert toute l’année. Un véritable village de 187 places où se côtoient, selon les saisons, ouvriers du bâtiment, touristes de toutes nationalités, sans-emploi en situation transitoire et, comme Marguerite, une trentaine de foyers (qui ont délibérément opté pour ce mode de vie.

Un village d’irréductibles

A 300 euros l’emplacement par mois, la formule en séduit plus d’un. " On a des demandes tous les jours, mais on ne peut pas constituer de liste d’attente. Si une place se libère, elle ira au premier qui la demande, confirme Bruno Lemonnier, gérant du site depuis novembre. Nous n’exigeons pas trois mois de loyer, ni de garanties particulières. " A part quelques arriérés, liés à des difficultés personnelles, et des vélléités de sous-location qu’il a fallu calmer, la gestion du Rupé se passe sans encombre. Pas d’abus, donc, comme on peut en contaster ailleurs, avec les " marchands de sommeil " visés justement par la loi Léonard.

Chez Andrée, on ne fait pas plus douillet. Doublement doyenne des lieux, par son âge (74 ans) et son ancienneté (16 ans), cette mamie apprêtée s’est façonné un cocon des plus confortables, 40 m2 plus une terrasse de 30 m2, pleins de couleurs et d’objets. Dans son salon, où flotte la fumée d’un bâtonnet d’encens, trône un chevalet et plusieurs toiles, qui attendent une retouche. Débarquée à l’imprévu, pour deux ou trois mois, cette ancienne monitrice d’auto-école s’était laissée gagner par la vie de camping. " Je m’étais inscrite sur la liste d’attente pour les logements sociaux, j’attends toujours ! ", plaisante-t-elle. Dans son petit jardin, elle fait pousser des fleurs, tandis que ses petits-enfants viennent régulièrement séjourner dans sa " maison ".

" Je suis ici chez moi "

Fanfan et Patrice sont eux aussi à l’abri du besoin. S’ils avaient voulu s’offrir une maison, ils auraient pu. Mais le couple n’a jamais aimé ce type d’attaches. Surtout Fanfan, Françoise de son vrai prénom, " moitié voyageuse du côté de son papa ", qui a toujours eu la mobilité dans le sang. Lorsqu’elle a rencontré Patrice, il y a quinze ans, il vivait dans la cour de son usine. " J’avais mon travail à Lespinasse et ma maison à Amiens. Je ne pouvais pas rentrer tous les jours ", commente-il. Puis lorsque l’interdiction de séjourner en zone industrielle est tombée, les deux tourtereaux sont venus se poser au Rupé. " En douze ans, on en a fait, des places ! " Trois chambres, un débarras, des toilettes séparées, une cuisine ouverte orange vif et un petit salon douillet, décoré de peluches et de coussins… il n’en faut pas plus pour leur bonheur. Dehors, la berline de Patrice stationne, rutilante. " Il entretient parfaitement les alentours, il n’y a jamais une feuille qui traîne, le flatte Fanfan. Quant à moi, j’ai toujours du monde prêt à m’aider… Si on veut m’enlever d’ici, je m’attache à un arbre !"

La menace de la loi Léonard

Adoptée en novembre en première lecture à l’Assemblée, la loi Léonard, relative aux hébergements légers de loisirs, a entraîné la mobilisation des résidents à l’année, estimés à plus de 70 000 en France. En cause, un amendement obligeant à fournir un justificatif de domicile principal pour les séjours de plus de trois mois. Le retrait de celui-ci, décidé fin janvier, ne satisfait toutefois pas les militants. " Les résidents ne bénéficient pas des mêmes droits au logement que les autres, estime Clément David, porte-parole de l’association Halem (Habitants de logements éphémères ou mobiles). Ils peuvent être expulsés du jour au lendemain et subir des pressions. Avec la crise du logement, de plus en plus de personnes optent pour ces solutions. L’Etat ne peut pas ne pas les prendre en compte. " 

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