Joël Da Silva, le coaching dans le sang
A l'annonce du remplacement de Raphaël Geslan, en février dernier, par Joël Da Silva à la tête de l'équipe première du THB, alors dernière de première division, le microcosme du handball s'est étonné. Voire a souri. " Je ne suis pas dupe. Je sais que tout le monde sest dit : avec la nomination d'un entraîneur aussi inexpérimenté dans un groupe composé de forts caractères, maintenant, on sait qui va descendre ", avoue Joël Da Silva. Une erreur d'appréciation grossière tant l'apport du nouvel homme fort des Fénix Toulouse Handball a été important dans son redressement. Dès le premier match à Montpellier, chez l'ogre de la D1, les joueurs font preuve d'un esprit de combativité quasiment jamais observé depuis le début de la saison : " Ils m'ont mis tout de suite en confiance, particulièrement les cadres, en faisant un super match. J'ai ainsi pu coacher comme si j'avais été sur ce banc depuis dix ans. "
Nommé pour un intérim d'une quinzaine de jours, le novice parvient tout de suite à fédérer l'équipe autour d'un discours clair imprégné des valeurs de combat. " Je leur ai demandé de se battre et cela a fonctionné ", résume-t-il. Une brillante victoire dans la foulée en coupe de France contre Ivry assoit sa légitimité, au point que ses joueurs militent auprès du président pour son maintien au poste dentraîneur. Une décision que Patrick Salles ne met pas longtemps à prendre : " Joël est quelquun dentier, qui vit le hand avec ses tripes. Il est prêt à tout donner, observe-t-il. Etant donné que nous avions identifié un déficit de valeurs, nous voulions voir sil était capable de redonner la foi à ce groupe. A partir du moment où nous avons vu que les joueurs ne fuyaient plus, il nous avait démontré quil était lhomme de la situation. "
Entraîneur à lâge de 14 ans
Fulgurante pour le grand public, la trajectoire de ce natif de Cordes-sur-Ciel, dans le Tarn nen est pas moins relativement logique. Car le coaching, il la dans le sang depuis sa plus tendre enfance. Initié au handball à lâge de 11 ans, il accroche immédiatement avec ce sport dont il apprécie lesprit déquipe et la fraternité. Lui, le fils douvrier, y trouve des valeurs, déjà, sensiblement différentes du football. Sans compter quà lépoque, payer une paire de crampons au rejeton nétait pas dans les moyens de la famille Da Silva. Très vite, il montre des aptitudes qui en font le joueur phare du club, sélectionné au niveau départemental puis régional.
Mais plutôt que de se concentrer sur sa propre ascension, il accepte dentraîner, à 14 ans, les filles de sa catégorie. " Je trouvais normal de donner ", justifie-t-il. Avec un mot dordre toutefois, le sérieux avant tout : " Nous avions beau avoir le même âge et être dans la même classe, je voulais amener une certaine rigueur", argumente-t-il. Sans le savoir, il vient de signer un long bail avec lentraînement et plus particulièrement avec celui des filles.
Après un intermède de trois ans au lycée dAlbi, il rejoint le club de Carmaux à 19 ans où il prend en charge les " petitous " mais aussi les seniors filles. Des bas-fonds du championnat pré-national, Joël les amène à tutoyer les sommets du national : " Cest là que jai commencé à avoir un vrai rôle dentraîneur, à mettre en place des stratégies, à structurer ce que javais appris et à rechercher ailleurs ce que les autres faisaient pour maméliorer ". Tellement quà 28 ans, il décide de sy consacrer pleinement tout en continuant à exercer le métier de jardinier-paysagiste à Saint-Antonin-Noble-Val : " Jétais arrivé au bout de ma carrière de joueur et je sentais quentraîner était ce qui me plaisait le plus. "
Contacté par Quint-Fonsegrives en banlieue toulousaine pour prendre en charge léquipe féminine, il quitte son Tarn natal sans pour autant accepter le poste salarié que lui propose le club : " Je ne me sentais pas encore prêt à franchir le pas ", avoue-t-il humblement. Le rapprochement avec la métropole lui confère cependant une exposition plus grande.
Des filles aux jeunes
Deux ans plus tard, il se voit proposer le poste dentraîneur de la réserve du THB en charge de la formation. Le challenge nest pas le même : " Jétais habitué à coacher des filles qui percevaient le hand comme un hobby alors que lon me proposait de former des joueurs qui se destinaient à être professionnels. " Séduit par le projet, Joël fonce et réussit ! " Le groupe ma très bien accepté et cela sest très bien passé ". Preuve en est, le club lui propose, en juillet 2009 de devenir entraîneur adjoint de léquipe première. Une sacrée promotion quil accepte avec enthousiasme : " Jai démissionné de chez Truffaut pour tenter laventure. A 37 ans, cétait une forme daboutissement : jen avais toujours rêvé, je voulais vraiment mévaluer à ce niveau. " Les premiers mois savèrent pourtant délicats. Avec le changement de statut, le regard des autres change également : " Nétant plus bénévole, jai découvert de la jalousie et de la méfiance à mon encontre. Dune situation de plaisir jai basculé à un état de mal-être ". Mais le jeune homme saccroche et tient, à lorgueil, jusquà la fin de la saison. Régénéré par quinze jours de vacances, cest avec ambition quil aborde sa deuxième saison. Mais en dépit dun recrutement prometteur, la mayonnaise ne prend pas et il assiste, impuissant, au limogeage de Raphaël Geslan.
Dernière lors de sa prise de fonction, léquipe toulousaine achève la saison à la neuvième place. De quoi sestimer fier du chemin parcouru. Ce nest pourtant pas le genre de la maison : " Nous avons réussi, avec les joueurs, à sauver le club. Jai essayé de les y aider du mieux que je pouvais, sans perdre de vue quils avaient plus dexpérience que moi. " Sil consent, du bout des lèvres, à avouer quil a ressenti de la satisfaction pour avoir redressé la barre avant que Jérôme Fernandez ne rejoigne le groupe, cest pour mieux manifester sa déférence à légard du capitaine de léquipe de France : " Son arrivée ma donné confiance. Avoir un tel joueur dans son équipe est du pain béni. Dautant que cest un super mec qui est à lécoute du groupe. "
Renforcé par une fin de saison réussie, Joël abordera la prochaine, celle de la confirmation, dans la peau du numéro 1 comme sy était engagé son président. Tout saut une sinécure. " Le plus dur commence. Il ne faut pas oublier que lon nest pas passé loin de la correctionnelle, avertit-il. Il faudra capitaliser sur ce que lon a montré sur les derniers matchs. Mais humainement, il sest passé quelque chose avec ce groupe. On a envie de montrer quon peut faire encore mieux ". Avide de savoirs, il sest rendu, avant la reprise en juillet, en Serbie pour continuer à apprendre. Et transmettre ses connaissances à ses joueurs. En toute humilité